lundi 2 novembre 2009

De la nécrologie sous régime occitaniste

Albert Peyroutet nous a quittés en juin 2009. Il était et il restera un grand écrivain béarnais, un styliste accompli, sensible, subtil et d’une remarquable justesse de ton. Le directeur de l’Institut Occitan s’est fendu d’une nécrologie via la newsletter intitulée Clinhet (clin d’œil), ce qui est déjà en soi d’un goût douteux en pareille circonstance. Dans le registre chafouin qu’on lui connaît, Sèrgi Javaloyès nous ressert sa prose grumeleuse, en français chichiteux et en occitan du Béarn, s’efforçant de faire passer sa petite entreprise de
récupération pour un hommage.

« Il nous soutint, nous encouragea à persévérer, à supporter le sarcasme et l’invective », déclare-t-il avec des trémolos.

Seulement voilà… en 2004, j’avais envoyé à Albert Peyroutet une première ébauche de ma fameuse chronique Be bebeja lo babau !, et il m’écrivait à son tour (le début de sa lettre est en français) :

Ma chère Marilis,

Tes deux pages sur notre ami Java m’ont beaucoup diverti, et je t’en remercie. Ça change des critiques louangeuses qu’on trouve un peu partout. Toi, tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère ! […] J’espère que cette analyse décapante sera lue par celui qui en est l’objet. Sincèrement, je pense qu’une bonne douche froide nous fait du bien, à tous. Pauvre Java ! On sent qu’il voudrait tant être le Faulkner occitan (ou peut-être le Conrad, mais il n’est pas si facile de s’approprier une autre langue).

Albert Peyroutet m’a également confié, un jour d’amertume, avoir été dégoûté de l’écriture par les corrections intempestives que l’occitaniste aveyronnais Maurice Romieu faisait subir à ses textes avant publication aux éditions Reclams, éditions auxquelles présidait justement l’inénarrable Javaloyès. Mais c’est le propre des apparatchiks que de prononcer l’éloge funèbre de ceux qu’ils ont eux-mêmes contribué à décourager. Notons que dans la bibliographie jointe à son pensum, l’avisé nécrologue se garde bien de
mentionner Countes bracs (Marrimpouey, 2008), le dernier livre d’Albert Peyroutet revenu à la graphie béarnaise.

Et comme on pouvait s’y attendre, notre remuant communicant termine son laïus par l’évocation vibrante de ceux qui, à l’instar d’Albert Peyroutet, s’efforcent de « construire une œuvre dans cette langue menacée ». Le constructeur Javaloyès est confiant : cette langue « est loin d’avoir épuisé toutes ses ressources » (en clair, les subventions vont continuer à engraisser la nomenklatura occitanocrate). Bref, une langue choisie « pour dire notre monde, cet universel qui seul exige de nous », conclut-il en beauté, non sans lucidité.

Heureusement que l’universel est là pour avaler les couleuvres de Javaloyès avec son « œuvre » ! Parce que nous autres Béarnais et Gascons étriqués, particularistes, nous refusons d’ingurgiter cette bouillie de pataquès.

Marilis Orionaa

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